Les soldats du XVIe siècle

L'échec européen

Du côté de la France, une dernière tentative de colonisation eut lieu, juste avant la fin du siècle, cette fois à l'île de Sable, au large de la Nouvelle-Écosse, en 1598. Nommé vice-roi de la Nouvelle-France, le marquis de La Roche-Mesgouez ne se risqua pas à venir en personne sur ce banc de sable à fleur d'eau, battu par des vents que rien n'arrêtait. Il envoya une quarantaine de colons, recrutés dans les prisons et escortés par une dizaine de soldats, y fonder l'établissement. Seuls 11 survivants furent rescapés en 1603, les autres ayant péri au cours d'une mutinerie. De plus, après un hiver désastreux, l'« Habitation » édifiée à Tadoussac en 1600 par Pierre Chauvin de Tonnetuit fut abandonnée.

Au Mexique et au Pérou, face à des civilisations amérindiennes beaucoup plus avancées qu'au nord, les Conquistadores ont pu avoir gain de cause principalement parce qu'ils pouvaient affronter leurs armées en terrain ouvert. Mais au Canada, où les opposants ont pour grande tactique de se rendre insaisissables et bénéficient du couvert, pour le moment incontournable, que leur fournissent la nature du territoire et les affres du climat, les vagues successives d'arrivants européens se voient réduites, l'une après l'autre, à une guerre défensive. Comment se lancer militairement à l'assaut de l'intérieur d'un pays inconnu, quand déjà on tremble pour sa vie dans le fortin côtier ou le galion duquel on n'ose débarquer ? Cette insécurité chronique explique pour une bonne part la faillite des établissements européens au Canada, au XVIe siècle. Même l'activité semi-permanente des Basques espagnols tire à sa fin. Depuis l'ère des Vikings, la rencontre des Européens avec les Amérindiens s'est souvent faite dans la violence et, malgré leur grande supériorité technologique, les Blancs ne semblent pas capables de faire des gains durables. Quand Cartier abandonne Charlesbourg-Royal, en 1542, il allègue ne pouvoir « avec sa petite bande, résister aux Sauvages qui rodoient journellement et l'incommodois fort » 25. Aveu très clair de l'efficacité tactique de la guérilla amérindienne. Dans l'Arctique, les Inuit tiennent également les Blancs en échec. Les chroniqueurs anglais ne cessent de se plaindre de la vaillance au combat de ces « Savages » et de leur adresse dans le maniement des armes.

Enfin, un nouvel élément, qui commence à se manifester pendant la première moitié de ce siècle, intervient avec plus de force durant la seconde : les diverses nations européennes, sans délaisser leurs champs de guerre traditionnels, ont commencé à se battre entre elles outre-mer, essaimant ainsi leurs conflits armés aux quatre coins du monde.

Un siècle s'est écoulé depuis que Jean Cabot a pris possession de Terre-Neuve. Il ne reste rien de la présence française, anglaise ou basque, en Amérique du Nord... Une page est tournée.